L’Alsace, un creuset pour l’abolition de la prostitution - Le LEF à Strasbourg pour la journée contre la traite (18 Oct. 2013)
Article paru dans Prostitution & Société n°180, hiver 2013
[Bruxelles, le 6 janvier 2014] Le 18 octobre 2013, le Lobby européen des femmes (LEF) était invité à Strasbourg pour une journée de colloque dédié à l’abolition du système prostitueur, organisée par le Mouvement du Nid et Osez le Féminisme. C’est Anik Raskin, membre luxembourgeoise du Conseil d’Adminitration du LEF, qui a présenté la campagne du LEF et son travail au niveau européen. Lisez ci-dessous l’article publié dans la revue Prostitution & Société n°180.
L’Alsace, un creuset pour l’abolition de la prostitution
À Strasbourg, ce 18 octobre 2013, Journée internationale de lutte contre la traite des êtres humains, le colloque intitulé « Vers l’abolition du système prostitueur » a réuni plus d’une centaine de personnes autour des enjeux de la prostitution et des politiques européennes.
Le thème était dans l’air et la rencontre a fait le reste : celle de deux associations, le Mouvement du Nid et Osez le Féminisme, qui se connaissent bien pour travailler ensemble à la Commission « Égalité des genres » de la ville de Strasbourg, pilotée par Mine Gunbay, dynamique conseillère municipale déléguée aux droits des femmes.
C’est donc sur des piliers fermement abolitionnistes qu’ont pu s’ouvrir les débats. Laurence Noëlle s’est chargée de les ancrer dans le réel en relatant sa propre expérience de la prostitution et le poids de la honte dont elle ne se défait que près de trente ans après. Sur la question des politiques européennes, la représentante allemande de l’association Solwodi, Roshan Heller, a dressé le bilan, négatif pour les personnes prostituées, de la loi ProstG. De son côté, Simon Häggström, policier à l’Unité Prostitution de Stockholm, a apporté des éclaircissements sur la situation suédoise, expliquant que les « clients » préfèrent désormais reconnaître les faits plutôt que risquer le procès public. Interpellant au passage nos représentantEs de la police et justice, il a montré comment la loi d’interdiction d’achat de service sexuel a eu une valeur pédagogique en contribuant à l’évolution des mentalités, puisque le pays lui est devenu majoritaire- ment favorable. Pinar Selek [1], sociologue turque exilée à Strasbourg, a dénoncé les violences vues dans un bordel de son pays, où elle est entrée déguisée puisque le lieu est interdit... aux femmes et aux étrangers.
Les tables rondes politiques ont réuni des abolitionnistes de tous bords : Fabienne Keller, sénatrice UMP, le représentant d’Armand Jung, député PS, François Loos, vice président du Conseil Régional UDI, Gérard Schann, maire EELV de Bischheim, Frédérique Riedlin, du Front de Gauche... Le débat a porté sur les perspectives euro- péennes avec Anik Raskin, du Lobby Européen des Femmes, et Nicole Kill Nielsen, eurodéputée écologiste, membre de la commission « Droits des femmes et égalité des genres ».
Beaucoup de travail reste à faire mais l’Alsace peut se targuer de poursuivre sa vocation de laboratoire de l’abolitionnisme. Rappelons qu’en 1881, soixante-cinq ans avant la loi Marthe Richard, le maire de Colmar [2] était le premier à fermer les maisons closes. En 2011, le maire de Strasbourg Roland Ries, décidé à « irriguer la ville d’une culture de l’égalité», démarrait en collaboration avec le Mouvement du Nid, la campagne d’affichage « Une femme n’est pas un objet ». Et la région est particulièrement riche en signataires de l’Appel Abolition 2012 grâce au travail inlassable et de longue date de la délégation du Bas-Rhin. Le 13 octobre n’aura pu que contribuer à conquérir de nouvelles positions favorables à l’abolition.
1 |Condamnée à perpétuité dans son pays, elle est accusée d’avoir organisé un attentat en 1998, dont elle a pourtant été innocentée à trois reprises.
2 |Strasbourg les a fermées en 1925.