Les liens entre la prostitution: Manuel pour comprendre (2006)
Préparé à l’occasion du projet coordonné conjointement par la Coalition Contre la Traite des Femmes (CATW)
et le Lobby Européen des Femmes (LEF) afi n de promouvoir des mesures préventives pour lutter contre la traite
des personnes aux fi ns d’exploitation sexuelle : un partenariat entre des organisations non gouvernementales
et les gouvernements de Suède et des États-Unis.
Introduction
Les Nations Unies estiment que la traite aux fi ns d’exploitation
sexuelle affecte 80% des personnes trafi quées. Les
femmes et les enfants constituent la majorité (NU, 2003).
Selon une estimation, l’Europe de l’Ouest est destinataire
de 120.000 femmes et enfants chaque année (Commission
Européenne, 2001). Le Département d’État américain considère
que globalement 600.000 à 800.000 personnes sont
objets d’une traite interne et transfrontalière chaque année,
et que parmi elles, 80% sont des femmes ou des jeunes
fi lles et 50% des mineurs. (US Département d’État, 2005)
D’autres estimations européennes avancent que 253.000
femmes et jeunes fi lles ont été trafi quées dans l’industrie
du sexe dans les années 1990-1998, dans les 12 pays de
l’UE. Le nombre total des femmes dans la prostitution dans
ces pays a augmenté à plus d’un demi-million. À Vienne, en
Autriche, près de 70% des femmes prostituées viennent
de l’Europe de l’Est. Dans les quartiers « lanterne rouge »
d’Allemagne, on trouve environ 15.000 femmes de Russie et
de l’Europe de l’Est. Selon une étude de l’Organisation Internationale
de la Migration (UNESCO, 2004) nombre d’entre
elles sont dans des bordels, des « sex clubs », des salons
de massage et des saunas contrôlés fi nancièrement par
des groupes criminels de la Fédération russe, de Turquie
et de l’ex-Yougoslavie.
Dans la région du Sud Est de l’Europe, incluant l’Albanie,
la Bosnie et Herzégovine, la Bulgarie, la Croatie, le Kosovo,
l’ARY de Macédoine, la Roumanie, la Serbie et le Monténégro.
90% des femmes étrangères dans l’industrie du sexe
seraient victimes de la traite et 10 à 15% de ces femmes et
jeunes fi lles ont moins de 18 ans. La majorité des victimes
de la traite sont recrutées en Albanie, en Bulgarie, en Moldavie
et en Roumanie. Les femmes et les jeunes fi lles sont
le plus souvent trafi quées initialement pour le marché local.
Elles sont déplacées d’un endroit à un autre et sont vendues
à l’étranger après quelques temps. (HWWA, 2004)
À quoi sert ce manuel ?
Ce manuel cherche à étudier et à mettre en lumière les
liens entre la traite et la prostitution, en soulignant l’égalité
de genre et la demande. Il a été initialement réalisé pour les
13 pays participant au projet conjoint de la Coalition contre
la Traite des Femmes (CATW) et du Lobby Européen des
Femmes (LEF) intitulé Promouvoir des mesures préventives
pour combattre la traite des personnes aux fi ns d’exploitation
sexuelle : un Partenariat entre les gouvernements de
la Suède et les Etats-Unis et des Organisations Non Gouvernementales.
Les femmes engagées dans les projets locaux de la CATW /
LEF, pour combattre la traite et la prostitution, ont ressenti
le besoin de réunir dans un seul document accessible, des
idées, des recherches et des arguments pour soutenir leur
travail de prévention. Dans le cadre de l’initiative conjointe
CATW / LEF, il a été décidé de réaliser ce type de publication
sous la forme de ce manuel. Il peut être utilisé comme outil
ressource pour toute ONG ou groupe ou autorité gouvernemental
qui souhaite combler certaines lacunes existantes
dans des programmes contre la traite, à savoir : les liens
entre la prostitution et la traite, l’importance des programmes
et des politiques fondés sur l’égalité de genre, le statut
juridique de l’industrie du sexe, et la demande masculine
pour la prostitution que promeut la traite sexuelle.
Un outil ressource
Ce manuel peut être utilisé comme ressource pour la rédaction,
l’éducation, le travail avec les femmes et les hommes qui
cherchent à combattre la traite et à juguler le développement
de l’industrie du sexe, au niveau local ou mondial. Il peut servir
à celles et ceux qui sont en contact avec les médias qui, la
plupart du temps, ne s’intéressent pas au facteur essentiel de
« la demande », et préfèrent plutôt fi xer leur attention sur les
femmes dans la prostitution. Ils ont le plus souvent une voix
partisane aux côtés de celles et de ceux qui promeuvent le
prétendu « droit à se prostituer ». Ils romantisent la prostitution
comme un « travail du sexe », défendant par là même les
intérêts propres de l’industrie du sexe.
Ce manuel contient des citations et des références, des
concepts et des recherches sur la prostitution et la traite. Il
aide également à donner une voix à celles qui ont survécu
aux abus sexuels et à l’exploitation. Il est structuré en chapitres
qui comprennent une introduction ou un positionnement, suivi
de points précis qui soulignent des réalités succinctes, des
recherches ou des commentaires pertinents. Chaque chapitre
du manuel peut ainsi servir de référence au fur et à mesure que
des points spécifi ques apparaissent à ceux et celles qui réalisent
des projets, qui sur le terrain ou au niveau des politiques
cherchent à combattre la prostitution et la traite sexuelle. Les
références des citations se trouvent dans la bibliographie.
Ce manuel propose aussi une liste et un résumé des mécanismes
des droits humains pertinents, ainsi que des rapports
et des déclarations politiques européennes qui pourront
être utiles pour promouvoir la protection des femmes
et combattre la traite et l’exploitation sexuelle.
Grainne Healy & Monica O’Connor
Cliquez sur l’image pour télécharger le rapport. Il existe aussi en anglais, espagnol et italien.