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Égalité salariale entre femmes et hommes : voici 9 propositions iconoclastes des députés européens

Le Parlement européen va mettre au centre de ses débats jeudi la question de l’écart des salaires entre les femmes et les hommes. Un rapport avance des propositions très fortes : baisser l’impôt sur les revenus des femmes, conditionner l’attribution des fonds européens au respect de l’égalité des genres dans les entreprises ou encore former les ministres du Conseil de l’Union européenne à ces questions.

Fabien Cazenave, 20 January 2021

Cet article a été initialement publié sur ouest france.

Réduire l’impôt sur le revenu des femmes, hausse générale des salaires pour les professions les plus féminisées… Les eurodéputés débattent mercredi 20 janvier 2021 d’une stratégie ambitieuse en matière d’égalité entre femmes et hommes dans l’Union européenne (UE), incluant des mesures contraignantes pour réduire l’écart salarial.

Aujourd’hui, l’écart entre les hommes et les femmes dans l’Union européenne en ce qui concerne le salaire horaire est de 16 % selon l’office européen des statistiques, Eurostat. La France se situe légèrement en dessous de la moyenne européenne.

Les eurodéputés proposent des solutions iconoclastes pour réduire cet écart de salaire dans un rapportde 73 pages sur la stratégie de l’Union européenne en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes, porté par Maria Noichl (SPD – S & D, où siègent les élus PS). Ouest-France vous propose de découvrir les mesures les plus fortes.

1. Baisser l’impôt sur le revenu des femmes

Parmi les mesures les plus originales du rapport de Maria Noichl, il y a la proposition de baisser l’impôt sur le revenu pour les femmes, car l’eurodéputée sociale-démocrate constate que la participation des femmes au marché du travail est inférieure à celle des hommes.

« C’est un peu un constat d’impuissance », pointe l’eurodéputée socialiste Sylvie Guillaume (PS – S & D). « D’une certaine manière, quand l’on en vient à des pénalisations ou des gratifications financières, cela veut dire que tout le reste a échoué. Ce genre de proposition est donc le stigmate d’une insatisfaction. »

2. Augmenter fortement les salaires des professions très féminisées

Autre proposition phare : augmenter fortement les professions où il y a une grande majorité de femmes, exemple la santé en intégrant la dimension de genre dans les droits à pension afin d’éliminer l’écart de pension entre les hommes et les femmes et en améliorant les conditions de travail dans les secteurs et les professions féminisés tels que les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration, du tourisme, des services de nettoyage et des soins.

« C’est quand même absolument surréaliste que les métiers les plus féminins sont les moins bien payés », s’insurge l’eurodéputée Irène Tolleret. L’élue LREM (groupe Renew Europe) s’alarme en plus que « ce soient les femmes dans ces métiers de première ligne qui nous aient permis de continuer à vivre pendant la crise du Covid avec les infirmières, les femmes de ménage et les caissières, et dans le même temps, [qu’] on a [it] des chiffres de licenciements aujourd’hui qui sont essentiellement féminins. »

L’eurodéputée sait d’avance que ce type de mesure très forte peut étonner, mais « face à des chiffres qui sont aussi choquants, il faut des propositions qui soient aussi un petit peu choquantes, pour qu’il y ait franchement une prise de conscience », déclare-t-elle.

3. Faire la transparence des salaires dans les entreprises

La transparence des salaires dans les entreprises est aussi un enjeu majeur « Ce serait un premier pas important, car si une femme dans une entreprise ne sait pas combien ses collègues sont payés, il n’est pas possible pour elle de savoir si elle est payée justement et au même niveau que ses collègues » , explique Manon Deshayes du Lobby européen des femmes (EWF). « Elle ne peut donc pas négocier de façon juste » . Or, la question du salaire est souvent une question taboue dans les entreprises. Il faut donc que le législateur impose cette transparence, jugent les eurodéputés.

En France, « on a déjà ce qu’on appelle l’index Pénicaud », rappelle l’eurodéputée Irène Tolleret, « qui a fait que les entreprises ont eu à répondre de critères autour de la transparence salariale ». Si une entreprise voit son score en dessous de 75 points la première année et qu’elle le garde l’année d’après, il y a potentiellement une pénalité de 1 % de la masse salariale.

« L’idée de faire un peu du Name and Shame » (« nommer et faire honte » en français), explique Irène Tolleret. « Pour avoir l’égalité salariale, il faut que les entreprises prennent conscience de l’inégalité salariale à l’intérieur de leur propre entité. Ces mesures sur la transparence salariale sont très efficaces et on souhaite sa généralisation à toute l’Union européenne. »

4. Former les ministres sur cette question au niveau européen

Certains eurodéputés proposent également une formation des ministres qui participent au Conseil de l’Union européenne dédiée à l’égalité des chances. Irène Tolleret a constaté que « sur les sujets de l’égalité de genre, pour des raisons que je ne comprends pas, il y a des pays qui, quand ils n’arrivent pas à prendre une législation en la matière, bloquent des quatre fers. Or, il y a des pays qui arrivent à prendre ces législations et qui, peuvent alors non seulement proposer des textes de loi, mais également montrer l’impact économique de ces textes de loi ».

Un Conseil dédié à l’égalité de genre prodiguant une telle formation permettrait selon ces députés de faire progresser la législation européenne dans le domaine et de favoriser un échange régulier de bonnes pratiques entre les États Membres.

5. Mieux protéger les femmes contre toute forme de violence

Un des aspects forts du rapport de Maria Noichl est qu’il contient tout une série de mesures fortes pour protéger les femmes, tant dans la sphère professionnelle que privée. Selon le texte, la violence à l’encontre du genre féminin est l’un « des principaux obstacles à la réalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes ».

Exemple de mesures : prévention à la fois de la violence sexiste et de la violence domestique, ainsi que de la cyber violence à l’encontre des femmes, ou encore protéger plus spécifiquement les femmes issues de minorités ou atteintes d’un handicap.

Il s’agit d’un enjeu majeur selon Manon Deshayes du Lobby européen des femmes. « Si on est dans un environnement où on subit de la violence, il me semble très difficile d’arriver à avoir une journée remplie, et de pouvoir avoir une carrière qui fonctionne ensuite », rappelle-t-elle.

6. Conditionner les fonds européens au respect de l’égalité salariale

Les eurodéputés demandent à la Commission et aux États membres de prendre des mesures fermes à l’encontre des entreprises qui ne respectent pas la législation du travail et qui favorisent des pratiques discriminatoires entre les hommes et les femmes. « On a souvent des acteurs (Commission ou États) qui ont un peu de mal à imposer des sanctions à des entreprises privées, ce qui pose problème », regrette Manon Deshayes.

Pour inciter les entreprises à accélérer la réduction des écarts salariaux entre femmes et hommes, les élus européens souhaitent que l’attribution de fonds européens dépende de la mise en œuvre de conditions de travail élevées dans les entreprises et de l’absence de pratiques discriminatoires à l’égard des femmes.

7. Avoir des vrais chiffres et non des estimations

Les eurodéputés demandent aussi à avoir de réelles statistiques, « afin de mieux mesurer et de mieux suivre les progrès accomplis dans la réduction de l’écart de rémunération ».

Car sans des chiffres clairs et incontestés, il est difficile de mettre en place des objectifs concrets pour obliger ensuite les États à agir. « On a l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE), une agence européenne qui fait ce travail-là. Mais on a besoin de plus de statistiques précises pour vraiment avoir des mesures qui vont aller à l’essentiel et en prévention », estime Manon Deshayes du Lobby européen des femmes.

8. Lutter contre l’inégalité de genres quelle que soit la loi

Des mesures publiques pourraient favoriser les carrières des femmes pour rééquilibrer la situation. Les eurodéputés demandent ainsi qu’il y ait un accès à des services de garde d’enfants de qualité et abordables, qui permettent aux femmes de revenir plus facilement à l’emploi après une grossesse.

Autre demande : qu’il y ait une étude d’impact sur les femmes pour chaque loi. « Toutes les décisions, les politiques et lois prises par la Commission et toutes les instances européennes, doivent inclure une étude d’impact spécifiquement sur les femmes et que cette décision n’ait pas une influence négative sur elles », explique Manon Deshayes.

9. L’État ne doit pas soutenir que les secteurs dominés par les hommes

Une approche qui permet d’éclairer de grandes mesures sous un jour nouveau. Irène Tolleret pointe ainsi que le grand plan de relance au niveau européen pour lutter contre les effets de la crise sanitaire va soutenir les investissements « autour de la digitalisation et de nouveaux métiers du numérique. Aujourd’hui, les nouveaux métiers du numérique sont à 70 % masculins. Ça veut dire qu’il ne faudrait pas que les 750 milliards d’euros du plan de relance fassent à la fin que la situation professionnelle des femmes soit pire que ce qu’elle est aujourd’hui », s’inquiète-t-elle.

« Si on veut relancer l’économie ou sauver la planète, on doit le faire en gardant l’égalité pour tout le monde. Il ne peut pas y avoir de justice sociale si on n’a pas l’égalité des chances, l’égalité des chances pour tout le monde, y compris pour les femmes », rappelle Irène Tolleret.

En conclusion : continuer le combat pour ne pas régresser
« S’il n’y a pas d’impulsion sur le renforcement des droits des femmes, si on n’est pas en perpétuel mouvement, cela veut dire que mécaniquement on va revenir en arrière. Sur le sujet des droits des femmes, il faut toujours être en mouvement vers l’avenir : tout sentiment du devoir accompli génère presque mécaniquement un retour en arrière par les réactionnaires », estime la socialiste Sylvie Guillaume.

Une position partagée par sa collègue de LREM : « derrière le travail des femmes, il y a aussi le choix des femmes d’avoir ou pas une famille. Aujourd’hui, en Europe, le droit à l’avortement est menacé », s’alarme l’eurodéputée qui pense notamment aux situations en Pologne, mais aussi en Italie où de très nombreux médecins utilisent leur clause de conscience pour refuser l’avortement aux femmes.

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